Le château de la Forêterie dans la Sarthe (72) a été construit entre 1894 et 1897 par l'architecte Georges Darcy à la demande de mon arrière arrière grand-père, Gustave Avice qui en a fait le lieu principal de résidence de sa famille. Il souhaitait qu'il soit ouvert à tous et y recevait d'abord ses proches mais aussi des artistes de renom tels que le peintre Cormon ou le graveur Le Couteux, qui vint y mourir. En plus du château, la propriété compte une dizaine d'hectares de forêt.
Lors de l'occupation allemande en 1940, le château a été réquisitionné par le régiment "Der Fürher" qui appartenait à la 2ème division blindée SS "Das Reich". Les descendants de Gustave furent forcés d'investir les communs de la propriété.
La nuit du 8 au 9 aout 1944, le château de la Forêterie a été incendié par le régiment allemand, à l'arrivée des troupes américano-françaises.
Suite à sa destruction, les héritiers de Gustave n'ont cessés de faire en sorte que le lieu perdure coûte que coûte. La propriété est aujourd'hui divisée entre les différents héritiers.
Mon grand-père, Jean-Louis Avice un des petits fils de Gustave, est le seul à y vivre à l'année avec sa femme, ma grand-mère Libeth Avice. Les autres dépendances sont utilisées par des membres de la famille en résidences secondaires.
Mon père François Avice, a pour ambition de restaurer le château en ruines depuis l'incendie. Des travaux sont entrepris depuis quelques années afin de mettre à bien ce projet. Cette entreprise est considérable compte tenu des dégâts causés par le feu lors de l'incendie et ceux dus à plus de 70 ans d'abandon.
Le projet des restauration du château est une revanche prise sur l'Histoire mais qui passe par le ressassement d'une époque révolue de laquelle nous sommes, avec mes cousins, les héritiers.
Ayant grandit à la Forêterie, je me suis construite autour de cette histoire et du squelette de ce château.
À travers cette série photographique, je veux raconter l'immobilité d'un monde figé dans le temps par l'immense mémoire qui l'abrite en dépit du désir fou d'être transmis et confié aux nouvelles générations.
Mes grands parents, Jean-Louis et Libeth, toujours dans l'inquiétude de l'avenir du lieu, ont construit malgré eux un mythe autour de l'histoire familiale. Ils entretiennent notre mémoire commune, la nourrissant sans cesse, à travers le langage et par leur effective présence au sein de la propriété.
Le seul autre protagoniste est Mr Horpin, le jardinier de la famille. Sa présence dans cette série est symbolique puisqu'il travaille à l'entretien de la propriété depuis 30 ans.
L'intime occupe une place prépondérante dans ce travail documentaire ; l'intime de la vieillesse, de la sédentarisation émotionnelle et physique. Il semble que tout puisse rentrer dans ce microcosme mais que tout ce qui y pénètre est disséqué, analysé et régurgité avant d'être ajusté au moule - quoi que finalement assez souple - de l'univers "forêstien". Tout se suffit à lui même. On s'enfonce alors dans la contemplation, l'entretien de ce qui doit coûte que coûte résister au temps, à l'usure, à l'oubli. Les lieux de l'intime sont multiples et se découvrent parfois là où on ne les attend pas toujours. Mes visites, plus ou moins régulières, m'ont amenée à décliner ce travail de diverses manières, photographiquement parlant. Alternant entre l'argentique et le numérique couleur, j'essaie d'attraper ce quotidien qui m'est si familier et de l'ajuster, à mon tour, à ma trajectoire personnelle. Il m'est donc impossible de décider à l'avance de ce qui va en émerger et du matériel que je vais choisir d'utiliser. Des clichés d'archives se mêlent à ceux que j'ai réalisé plus récemment. Seul l'état du château aujourd'hui me permet de distinguer le présent du passé.
























































