AVANT QUE QUELQU'UN N'AIT LIEU
Il y a quelques mois j’ai entamé un travail photographique sur l’éveil et les rituels du matin.
J’interroge le corps, tel qu’il est lorsqu’il s’extrait du sommeil. Je cherche à capter l’intimité du réveil, du jour nouveau, le passage de l’inconscient au conscient, les préparations de celui.celle que l’on veut paraître au monde, les habitudes, les manies, le corps engourdi qui est défroissé, lavé, soigné, apprêté.
Prendre soin de soi, presque à notre insu, par habitude et nécessité. Parce qu’il est d’usage d’être « présentable ». Le matin n’est-il pas justement le moment charnière où se joue une métamorphose confidentielle ?
J’ai choisi d’ausculter le corps brut qui se transforme à mesure qu’il est préparé pour affronter la journée, les autres, et souvent aussi soi-même.
Les coulisses du spectacle social que l’on offre aux autres.
Le titre de cette série « Avant que quelqu’un n’ait lieu » est une référence à Paul Valéry qui dans « Poésie Perdue », pense le matin comme « une nudité avant que l’on se re-vêtisse ».
Les légendes sont extraites du recueil "Poésie Perdue"

« Impression très forte d’homme qui aurait voulu dormir encore, qui regarde au moment où il ne faut pas, avant que tout soit prêt pour la vie et la journée. »

"Le matin paraît, d'abord triste, livide comme un grand changement sans amélioration."

« Il émerge par les yeux et les oreilles et par les membres ; et le rêve à regret se retire de lui. »

« Nudité de la nuit, pas encore habillée. »

« Ma machine, avec sa pesanteur variable, ses poils, ses liquides sourds […] »

« On referme respectueusement la nuit. On la replie. On la borde. »

« On sent la lassitude avant le travail, la tristesse de reprendre son être, un corps plus vieux d’un jour. »

« Puis le réveil encore maussade s’accuse, une sorte de confort fragile et endormi se donne. »

« Entre le sentiment de mon poids, de mes appuis, doit être mon corps. »

« Le corps s’étire, se tourne et se retourne, cherche une torsion et une tension
qui lui fasse reconnaître sa place dans lui même, son état d’être prêt. »

« Je me sens moi-même d’une finesse extrême, d’un délié dans le beau psychologique et tragique. »

« Au matin secouer les songes, les crasses, les choses qui ont profité
de l’absence et de la négligence pour croître et encombrer »

« C’est le regard de quelqu’un qui attend tout de soi même »

« C’est le regard de quelqu’un qui attend tout de soi même »

« Tout ce matériel de peau et d’yeux, de tenseurs, de pompes […] toute cette mécanique sauvage. »

« Est-ce de ma faute si j’appartiens à ce visage dont je suis le captif ? »

« Le squelette caché, qui fait mettre un doigt sur les lèvres de chair. »

« […] j’étais dans le néant, infiniment tranquille. J’ai été dérangé de cet état
pour être jeté dans le carnaval étrange de la vie. »